Propriété intellectuelle 101 | Blake, Cassels & Graydon LLP
Pour de nombreuses entreprises en démarrage et en expansion, la propriété intellectuelle (« PI ») est une composante cruciale de leur avantage concurrentiel et, par conséquent, est essentielle à leur succès global et à leur valeur. Le présent bulletin fait un survol des principales catégories de PI au Canada et donne un aperçu des pratiques exemplaires en matière de protection et de mise en valeur de la PI que les entreprises devraient appliquer et dont les investisseurs devraient tenir compte au moment d’investir.
Qu’est-ce qui constitue de la PI au Canada?
La PI désigne les créations intangibles de l’intellect humain qui peuvent donner lieu à des droits reconnus par la loi, à l’instar d’autres droits de propriété. Voici quatre formes courantes de PI :
- Les brevets protègent les inventions, soit les solutions à des défis techniques. Les inventeurs doivent présenter une demande à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« OPIC ») pour obtenir des droits de brevet.
- Les marques de commerce protègent les marques, soit la source d’un produit ou d’un service. La création d’une marque de commerce peut conférer certains droits automatiquement (c.-à-d. en common law), mais il peut être difficile de les prouver et de les faire valoir sans avoir enregistré la marque de commerce auprès de l’OPIC.
- Les droits d’auteur protègent les créations intellectuelles comme l’art, la musique, les films et la littérature. La création d’une œuvre donnant prise à la protection du droit d’auteur peut conférer certains droits automatiquement, mais il peut être difficile de les prouver et de les faire valoir sans avoir enregistré le droit d’auteur auprès de l’OPIC.
- Les secrets commerciaux protègent des renseignements précieux qui ne sont généralement pas connus du public. La valeur de ces renseignements repose sur la préservation de leur caractère secret. Souvent, les inventions pour lesquelles un brevet n’est pas demandé sont plutôt protégées à titre de secrets commerciaux. Il n’existe pas de système d’enregistrement ou de demande pour les secrets commerciaux au Canada.
Même si les entreprises en démarrage et en expansion disposent de ressources limitées, elles peuvent prendre diverses précautions et mesures à un coût relativement faible pour conserver et augmenter la valeur de leur PI et, du coup, celle de leur entreprise dans son ensemble.
Pratiques exemplaires en matière de PI
Traiter de la PI dans les dispositions des contrats de travail et des contrats conclus avec des entrepreneurs
Veillez à inclure dans tout contrat conclu un nouvel employé ou un entrepreneur des dispositions robustes en matière de PI. Ces dispositions devraient, entre autres, fournir des précisions quant à la propriété et à la cession de la PI (p. ex. en faveur de l’entreprise) que pourrait élaborer cet employé ou cet entrepreneur, aux obligations qui lui incombe en vue d’aider à protéger la PI, au caractère confidentiel de la PI, ainsi qu’aux restrictions applicables aux formes de PI que cet employé ou cet entrepreneur peut utiliser.
Par défaut, les employés et les entrepreneurs sont propriétaires de la PI qu’ils développent, à moins de critères précis ou d’entente explicite indiquant le contraire. Les dispositions en matière de PI énoncées dans les contrats de travail et les contrats conclus avec des entrepreneurs peuvent en effet rectifier le tir en stipulant que la PI éventuellement développée appartiendra à l’entreprise. Du reste, certains bureaux de brevets exigent une telle cession des droits de brevet lorsqu’une demande de brevet est déposée. Le défaut de procéder à la cession des droits de PI dès l’entrée en service d’un nouvel employé ou dès le début du mandat d’un entrepreneur, ou au moment du dépôt d’une demande de brevet, peut entrainer des complications. Par exemple, il peut être difficile de retrouver d’anciens employés. Il arrive également, dans certaines circonstances, qu’un employé demande une indemnisation supplémentaire pour céder ses droits de PI.
Formuler et mettre en œuvre votre stratégie en matière de PI
Parmi les questions stratégiques à examiner, déterminez s’il convient mieux de protéger la PI de votre entreprise au moyen de brevets ou de secrets commerciaux, établissez la meilleure façon de procéder compte tenu des risques liés à la PI de tiers, et évaluez si la PI a une valeur commerciale ou s’il s’agit d’une simple curiosité technique. Une entreprise devrait continuellement évaluer la valeur de ses actifs de PI à la lumière des conditions actuelles ou futures du marché, et adapter sa stratégie en matière de PI en conséquence. En plus de solliciter des conseils juridiques spécialisés en matière de PI, consultez les intervenants des différents domaines touchés afin de vous assurer que votre stratégie en matière de PI cadre avec vos objectifs commerciaux généraux. Si la taille de votre entreprise et l’étendue de vos ressources le permettent, envisagez de mettre sur pied un comité de PI interne pour veiller à l’adoption de procédures rigoureuses sur ce front.
Protéger les secrets commerciaux
Ne divulguez pas de secrets ou de renseignements sur des inventions à des tiers (p. ex. des investisseurs, des fournisseurs de services et des entrepreneurs) avant de conclure une entente de confidentialité ou une entente de non-divulgation avec eux. Seules les inventions novatrices peuvent être protégées au moyen d’un brevet, et les secrets commerciaux n’ont de la valeur que s’ils sont gardés secrets (un secret commercial n’en est plus un s’il est divulgué sans qu’une entente de non-divulgation ait été conclue).
Surveiller les actifs de PI
Mettez en place des contrôles d’accès informatiques et physiques afin que seules les personnes qui ont besoin de la PI puissent y accéder et qu’elles y accèdent seulement lorsqu’il est nécessaire de le faire. Déterminez s’il est possible de compartimenter et de dépersonnaliser la PI ou des parties de celle-ci afin que les employés aient accès uniquement à la partie sur laquelle ils travaillent ou qui a une incidence sur leur travail. Lorsqu’un employé quitte son emploi, demandez-lui de signer une entente de fin d’emploi ou toute autre reconnaissance, et passez en revue les documents auxquels cet employé a eu accès au cours de son emploi. Si l’employé a accepté un emploi auprès d’un concurrent, envisagez d’aviser ce dernier que l’employé sortant a eu accès à une partie de la PI et que les activités du concurrent seront surveillées. N’oubliez pas que la protection des secrets commerciaux exige une approche proactive : l’un des critères pour établir l’existence d’un secret commercial en droit est de démontrer que des efforts raisonnables ont été déployés pour garder l’information secrète. Il ne suffit pas de simplement désigner certains renseignements comme constituant des secrets commerciaux.
Fournir des formations aux employés
Maintenez une saine culture en matière de PI au sein de votre entreprise en offrant régulièrement des formations sur la PI à vos employés. Les formations sur la PI peuvent être données à différents moments, notamment pendant l’intégration d’un employé, avant le lancement de projets clés, dans le contexte de votre programme de formation continue et dans le cadre du processus de départ d’un employé. Des formations récurrentes en matière de PI peuvent aussi être offertes, telles que des ateliers de perfectionnement professionnel, dans la mesure où elles permettent de rappeler aux employés leurs obligations en ce qui a trait à la PI. Divers sujets peuvent y être abordés, y compris la façon pour les employés de communiquer l’information sur la PI qu’ils développent; la prévention des fuites de renseignements confidentiels à l’extérieur de l’organisation; et, en cas de départ de l’entreprise, l’interdiction de partager des secrets commerciaux avec un employeur subséquent.
Faire valoir des droits de PI
L’existence de droits exclusifs visant des actifs de PI peut suffire à dissuader une personne de s’adonner à des activités de contrefaçon. Toutefois, les titulaires de droits de PI devraient être prêts à faire valoir leurs droits si un contrefacteur « s’aventurait sur un terrain » protégé par des droits de PI. De bons conseillers juridiques vous aideront à choisir parmi les options qui s’offrent à vous dans de tels cas, lesquelles peuvent être relativement simples (comme une mise en demeure) ou complexes (comme un litige multiterritorial).
À l’instar de tous les autres enjeux d’ordre juridique, la protection de la PI peut être complexe et comporter des nuances. Les entreprises et les investisseurs devraient consulter leurs conseillers juridiques avant de prendre des décisions importantes en matière de PI.